Return From Memory  2008 © Melik Ohanian Return From Memory  2008 © Melik Ohanian
Status Area
    • Melik Ohanian
    • Return From Memory
    • 2008
    • 4 animated light boxes 180 x 120 cm color prints on Duratrans, high voltage neon and electric animator
    • Dimension: 4x120x180 cm
    • Courtesy the artist and Galerie Chantal Crousel, Paris
work: #99 | category: Installation

El Puente d’Ojuela, État de Durango, Mexique. Un homme, visiblement ouvrier, paraît au bout du pont venant du flanc de montagne où se trouve la mine d’Ojuela - fermée depuis longtemps. La ville, bâtie lorsqu’elle était exploitée, est à présent en ruines, et seul le pont, toujours en fonction, a survécu à sa désertion. Cette rencontre improbable, décrite par l’artiste comme un « accident de vision », survint alors que Melik Ohanian revenait de La Zona del Silencio, où il réalisait les photographies de l’installation A Territory of No Event. Première œuvre accueillant le visiteur au Plateau lors de l’exposition « From The Voice To The Hand », en 2008, ce fragment de réel initiait une réflexion sur le statut et la temporalité des images.


Composée de quatre caissons lumineux, successivement éclairés pendant 8 secondes, Return From Memory rejoue dans le temps la progression du personnage dans l’espace du paysage, et de la prise de vue. Visibles tour à tour – de gauche à droite, puis de haut en bas – ces images évanescentes livrent une vision « animée » du réel, dont le rythme ralenti s’oppose cependant à toute narration ou illusion cinétique. Projection inversée - puisque c’est ici la lumière qui anime l’image, et non l’image qui modèle la lumière - ce dispositif constitue ce qu’on pourrait nommer un « proto-cinéma ». Renvoyant aux débuts du 7ème art – dont La Sortie de l’usine Lumière à Lyon n’est pas éloignée du sujet ici observé - il questionne le mouvement dans l’image, qu’elle soit fixe ou animée.


Le cadrage de l’image est lui-même cinématographique. Sa composition fait jouer des forces contraires, puisque le point de fuite creusant le paysage est peu à peu contredit par l’homme qui avance sur le pont. Ces photographies, unies par une structure commune, introduisent ainsi une variable dans l’invariant, une évolution dans la répétition.


Si cette répétition existe au cœur de l’image, elle caractérise aussi le mécanisme qui l’expose : l’éclairage successif des photographies retrace l’avancée d’un personnage qui pourtant n’arrivera pas, sans cesse renvoyé à son point de départ. Cette apparition, de plus en plus tangible au fil des images, est dans le même temps niée, rejetée dans le passé - une fois la boucle achevée. Ce que rejoue donc cette œuvre, c’est certes le mouvement de son sujet - mais aussi l’incrédulité de l’artiste face au réel, face à cette rencontre fantomatique qui semble émaner d’un autre temps.


L’idée de suspension traverse de part en part cette installation : suspension du lieu - du pont, de l’image - évanescente, du temps - décomposé, puis répété. Return From Memory, en articulant différentes temporalités, déploie une mémoire à plusieurs degrés. Celle de l’histoire industrielle du lieu ; celle de l’artiste, et de à travers l’instant photographié ; celle du visiteur, dont les images lumineuses marquent l’esprit et la rétine. Cette œuvre, que son titre non descriptif éloigne du photojournalisme, constitue donc le partage d’une vision, d’un fragment de mémoire. Le sujet qu’elle observe, loin de toute anecdote, prend l’ampleur d’un symbole universel : celui de la frange ouvrière à son crépuscule, ici concentrée dans l’image d’un homme seul, du « dernier mineur », surgissant d’un lieu déjà mort.

— Texte de Garance Malivel à partir d'entretiens avec Melik Ohanian © 2012 

The installation Return From Memory consists of four large light boxes. The four photographs displayed in the light boxes track the image of a man moving across a wooden suspension bridge in Mexico. El Puente d'Ojuela, Mapimi, Durango. Animated light times the character’s progression through the distance of the landscape (at 8-second intervals per image). The temporality created by the repetitive presence and successive absence of images, invites visitors to question their own presence through the experience of time effects in our perception of images.

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