Libération Ann Lee
Ecole SupĂ©rieure des Beaux-Arts Montpellier • France [FR]Exposition qui réunit l'ensemble des vidéos réalisées pour le projet Annlee initié par Pierre Huyghe et Philippe Parreno, et qui présente les oeuvres de : François Curlet, Liam Gillick, Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe, Pierre Joseph, M&M (Paris), Melik Ohanian, Philippe Parreno et Rirkrit Tiravanija.
En « libérant » littéralement Annlee de la fiction du marché, l'exposition prend le parti de faire évoluer ce personnage dans des espaces de vie de la ville de Montpellier tels que la Chapelle et Pharmacie de l'œuvre de la Miséricorde, la Salle des assises de la cour d'appel, le Tribunal de grande instance, la Piscine Olympique Antigone, le Planétarium Gallilée et l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier Agglomération.
Libération Annlee
Un visage, une image suffisent-ils à définir une entité, voire une identité ? Des informations transmises et délimitées par un cadre, un plan donné nous permettent de construire un « tout » plus ou moins cohérent. Nous élaborons par déduction et grâce à nos expériences, nos représentations, nos désirs et nos attentes. Nous dessinons les contours d'un ensemble pour l'inscrire dans nos repères et dans notre monde.
À l'heure où nous menons une « existence à la carte » (1) tout en étant « tous des DJs» (2), où les informations et la vie se démultiplient en plusieurs sphères, ne sommes-nous que cette succession de rôles et d'images ? Pouvons-nous nous redéfinir indéfiniment ?
En 1999 Pierre Huyghe et Philippe Parreno font l'acquisition d'un personnage manga auprès d'une maison de production japonaise. Ce personnage, qu'ils appelleront Annlee, a été acquis sous la forme d'un dessin, d'une enveloppe sans contenu qui aurait dû appartenir au secteur culturel du jeu vidéo, de l'édition, de la presse ou de la télévision.
Il s'agira de « libérer Annlee de la fiction du marché » (3) et lui donner son autonomie. Pour cela les artistes ont fait rédiger par un avocat, un contrat signifiant l'indépendance juridique du personnage, libérant ainsi cette entité des droits acquis par les deux artistes.
Les initiateurs de ce projet ont ensuite invité d'autres artistes : François Curlet, Liam Gillick, Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Joseph, Melik Ohanian et Rirkrit Tiravanija à écrire une page de la vie d'Annlee, en suivant un protocole de « motion capture », procédé habituellement utilisé pour les jeux vidéo, consistant à enregistrer les mouvements d'une personne pour les incarner dans l'espace virtuel. Sans sexe, ni âge, Annlee ne devra pas être identifiée à un territoire, une période ou un genre.
Œuvre précurseur sur l'émergence des problématiques liées à l'informatique et ses différentes interfaces, nous devons regarder un tout petit peu en arrière pour redécouvrir (à la lumière des évolutions des nouvelles Technologies de l'Information et de Communication) une œuvre fondamentale sur la relation entre pratiques artistiques et numérique. Alors que les réflexions mettant en lien art et culture numérique, sorte d'évidence contemporaine, abordent très souvent cette problématique sous l'angle de la programmation et des réseaux, Annlee questionne la posture même de l'artiste. Dans une interdépendance entre l'apparition des TIC et la manière dont nous nous définissons ; cette œuvre interroge notre manière de percevoir, de sentir, de vivre et de donner forme à nos désirs et nos pensées.
En s'inspirant de la libération d'Annlee de la fiction du marché nous présenterons l'ensemble des vidéos réalisées dans le cadre de ce projet.
Il s'agit ici de faire évoluer Annlee « ailleurs », au sein de la société et de la même façon que cette coquille creuse s'est retrouvée « caractérisée » au travers des différentes décisions prises par chacun des artistes, le lieu est également pensé comme un élément signifiant (re)questionnant le statut conféré à l'objet exposé. Le personnage est replacé ici dans un(des) contexte(s) particulier(s) associé(s) habituellement à des usages et des pratiques, interrogeant également nos usages des supports et pratiques de l'exposition. Il s'agit de proposer au spectateur une expérience singulière au contact de ce personnage. Même si ces lieux sont publics et parfois chargés d'une symbolique très forte, nous ne sommes pas régulièrement amenés à les visiter. Annlee nous invite ainsi à les (re)découvrir, dans un parcours doté d'un avant et d'un après, au travers d'une expérience de vie que ce soit celle du corps, de la vue, de la croyance, de notre vécu, ici et maintenant, ou de la narration de notre propre histoire...
1 et 2 Gilles Lipovetsky, L'ère du vide, Paris, Gallimard, 1983.
3 Pierre Huyghe & Philippe Parreno, No Ghost Just a Shell, Cologne, Verlag der Buchhandlung Walther König, 2003.